Les sénateurs belges se réunissent du 02 au 08 juillet 2012. Une dernière session avant le début des vacances. les associations de la société civile camerounaise représentées en Europe en ont profité pour faire entendre leurs voix.
Elles ont pu solliciter Madame la Sénatrice Marie Arena, vice-président de la Commission des Relations extérieures, pour interpeller en séance plénière Madame Maggie De Block. Secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration, à l'Intégration sociale au sujet de sa récente sortie médiatique au Cameroun
" Sans très bien connaître la réalité sociopolitique de ce pays de l'Afrique centrale de près de 20 millions d'habitants, madame la ministre Madame Maggie De Block a affirmé aux médias gouvernementaux après avoir été reçu par le ministre camerounais des relations extérieures que "le Cameroun est un pays très démocratique et très stable" pouvons nous lire dans l'introduction de cette interpellation
L'intégralité de la lettre
A l’attention de l'opinion publique et de la classe politique belges
Droit de réponse des associations camerounaises de la diaspora aux propos sur le Cameroun de Madame Maggie de Block, secrétaire d’État belge, en charge de l’Asile et de la Migration
Mesdames, Messieurs, Excellences,
La Fondation Moumié (Association panafricaine pour la promotion de la paix, du développement et de la défense des peuples opprimés),
l’ASI (Action Solidaire Internationale), l’ACP-DH (Action Citoyenne pour la Promotion des Droits de l’Homme),
le CEBAPH (Cercle Belgo-Africain pour la Promotion Humaine),
le CCL.Libération (Comité Citoyen pour la Libération des Prisonniers Politiques
Camerounais),
le Collectif Foléfack,
l'APJE (Association pour la Promotion de la Justice et de l’Éducation),
le CNI (Collectif National contre l'Impunité) et
le CODE (Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise)
Ont l’insigne honneur de s’adresser à vous dans un esprit à la fois de dialogue, de courtoisie et de partage d’informations.
Quoique reconnaissant et encourageant la continuation des très bons rapports établis de longue date entre le peuple belge et le peuple camerounais, nous, associations camerounaises de la diaspora, souhaitons marquer notre condamnation ferme et notre total désaccord par rapport aux propos tenus il y a quelques semaines dans la presse officielle camerounaise, par Madame Maggie de Block, secrétaire d’État belge, en charge de l’Asile et de la Migration.
En effet, dans une interview accordée le 29 mai 2012 à Cameroon Tribune, quotidien national camerounais, Madame Maggie de Block, afin de montrer que la hausse des demandes d’asile de ressortissants camerounais est injustifiable, a déclaré que « le Cameroun est un État stable et très démocratique ».
Mesdames et Messieurs, excellences,
Notre objectif ici n’est nullement de contester les chiffres donnés par Madame Maggie de Block et encore moins de nier des cas de fraudes à la demande d’asile qui existent partout et donc aussi au Cameroun. Le but de cette correspondance est de contester et de dénoncer trois choses : les effets négatifs du discours de la Secrétaire d’État en charge de l’Asile et de la Migration sur les combats pour la démocratie menés par les Camerounais et leurs associations de défense des Droits de l’Homme ; la procédure et la méthode utilisées pour produire ce discours puis ses conclusions.
Les effets négatifs du discours de Madame Maggie de Block sur le combat démocratique des Camerounais
Mesdames, Messieurs, Excellences,
Construire des démocraties dans le reste du monde impute une responsabilité morale au discours de l’Occident et de ses responsables politiques sur les régimes non démocratiques. La démocratie ne se réduit pas à de la pure politique machiavélique où on peut se passer de considérations morales et éthiques comme l’exige la real politik. La démocratie, pour peu qu’on respecte les idéaux de ses fondateurs, les promeut plutôt et en dépend en retour.
Il est donc important, lorsqu’un responsable politique d’un pays démocratique parle de la situation politique d’un pays du Sud, d’avoir présent à l’esprit que son discours peut, soit renforcer les combats des peuples pour l’émancipation, soit les affaiblir de façon drastique. Cela est dû au fait que la parole d’un pays démocratique est un opérateur d’exemplarité ou de contre-exemplarité de l’exercice démocratique dans les esprits de ceux qui la reçoivent.
Elle peut, de ce fait, renforcer la lutte pour la démocratisation si elle dénonce la dictature en place ou alors l’affaiblir si elle ne le fait pas. Dire, à l’instar de Madame Maggie de Block, que le Cameroun, classé en 2010 parmi les 40 pires dictatures du monde par le magazine américain Foreign Policy, est un « pays très démocratique », participe de l’affaiblissement, non seulement de ceux qui se battent corps et âmes dans ce pays pour sortir de la dictature en place, mais aussi du combat qu’ils mènent.
Le discours de Madame Maggie de Block est ainsi un soutien explicite aux actes et agissements du régime camerounais qui ne manquera pas de s’y adosser pour construire son image internationale grâce aux déclarations d’un responsable politique belge. Nous, associations camerounaises de la diaspora, condamnons avec la dernière énergie le fait que la dictature camerounaise se transforme en « un pays très démocratique » juste parce que la lutte contre l’immigration illégale et les calculs politiques inhérents l’exigent en Belgique. Nous soulignons que le peuple camerounais privé de liberté par le régime en place mérite plus de respect. Ce respect revient à ne pas dénaturer ses aspirations par des discours qui disqualifient ses combats d’émancipation.
La procédure et la méthode utilisées par Madame Maggie de Block pour produire son discours
La vérité, la justice et la recherche de solutions aux problèmes sont des entreprises collectives en démocratie. Cela exige, Mesdames, Messieurs, Excellences, que la réalité du régime camerounais n’ait pas pour jauge et pour unique paramètre d’appréciation, la recherche de solutions à l’immigration clandestine camerounaise vers la Belgique.
Cela reviendrait à réduire la vie et l’histoire politiques camerounaises à un épiphénomène des rapports Nord-Sud. Considérer avec sérieux la situation politique camerounaise, implique que les responsables politiques d’un État démocratique comme le Belgique, cherchent la vérité via une procédure démocratiquement crédible. Madame Maggie de Block ne l’a pas fait dans la construction de son discours faisant du Cameroun « un pays très stable et très démocratique ».
En effet, sans avoir rencontré une seule fois les Associations camerounaises de la diaspora, sans avoir écouté l’homme de la rue au Cameroun, sans avoir recueilli les avis des partis politiques de l’opposition, sans aucune consultation de la société civile internationale, et en ignorant royalement les médias privés, Madame Maggie de Block a fait passer le Cameroun de son statut de dictature confirmée à celui de « pays très démocratique » sur base de ses seules échanges avec les autorités camerounaises au pouvoir, notamment le ministre des Relations extérieures et le délégué général à la Sûreté nationale.
Cela fait du discours de Madame Maggie de Block, un discours antidémocratique parce que construit par des acteurs juges et parties du système en place et par discrimination de sources contradictoires qui auraient pu lui donner un crédit démocratique.
Les Associations camerounaises de la diaspora dénoncent avec force et détermination cette procédure qui sert plus la dictature camerounaise qu’elle n’encourage le débat démocratique et les luttes pour la démocratie de son peuple opprimé. Elles exigent que désormais, Madame Maggie de Block respecte plus la parole des autres acteurs camerounais en dehors du régime en place au Cameroun. L’absence de procédure démocratique pour produire un discours politique sur le Cameroun transforme en pures vues d’esprits, les déclarations de Madame Maggie de Block.
Les conclusions du discours de Madame Maggie de Block sont nulles et non avenues
Mesdames, Messieurs, Excellences.
Le discours non fondé car décalé complètement de la réalité que Madame Maggie de Block a produit sur le Cameroun, arrive à la conclusion que « le Cameroun est un État stable et très démocratique ».
Situation qui prouve que plusieurs Camerounais demandeurs d’asile le ferraient sur des dossiers faux car construits par des ressortissants d’un « État stable et très démocratique ».
A écouter Madame Maggie de Block, le Cameroun serait, dans un classement de stabilité et de démocratie, devant la Belgique. Ce sont des conclusions, non seulement irresponsables, mais aussi qui ne valent pas grand-chose pour deux raisons simples et élémentaires :
D’un côté, un régime stable depuis trente ans n’est aucunement synonyme de démocratie mais très souvent, comme dans le cas du Cameroun, signe d’une dictature qui bâillonne les citoyens, détruit tous les contre-pouvoirs et se trouve des alliés externes. A contrario, un pays instable peut très bien être démocratique comme l’est la Belgique.
La stabilité n’est pas un paramètre d’appréciation démocratique et encore moins de vie bonne. La stabilité du Cameroun est la stabilité d’une dictature politique ayant installé la loi du plus fort depuis 1982.
De l’autre côté, un pays est dit démocratique ou pas démocratique. Rien ne se situe au-dessus de la démocratie pour faire du Cameroun, pas un pays démocratique mais « très démocratique » comme le dit Madame Maggie De Block.
D’où le manque de crédibilité totale de la Secrétaire d’État belge car le Cameroun, d’après son discours lénifiant, serait au-dessus des pays occidentaux reconnus non pas très démocratiques mais simplement démocratiques.
Sans procédure et sans méthode démocratique crédibles dans la production de son discours, Madame Maggie de Block essaie de compenser l’absence de crédibilité de ses déclarations erronées par un style hyperbolique sans consistances réelles car non basé sur des faits tangibles.
Mesdames et Messieurs, Excellence.
Ci-dessous, nous, Associations camerounaises de la diaspora, vous livrons un tableau non exhaustif de la situation réelle du Cameroun, pays que Madame Maggie de Block qualifie de « très démocratique » en 2012.
Depuis 50 ans (1960-2011) le peuple camerounais n’a jamais choisi le régime qui le gouverne. Le premier, dirigé par Ahmadou Ahidjo fut installé par l’État colonial et le second, sous la houlette de Paul Biya, a reçu le pouvoir du premier en 1982.
Paul Biya, l’actuel Président est au pouvoir depuis 1982 (trente ans déjà). Il a modifié la Constitution deux fois pour faire sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats à la tête de l’État et se présenter à l’élection autant de fois qu’il le souhaitera.
Depuis 1990, Paul Biya l’actuel Président et son régime refusent catégoriquement la mise en place d’une commission électorale indépendante pour organiser et superviser les élections.
L’armée camerounaise corps d’État le mieux payé par le régime, réprime de façon sanglante toute velléité contestataire.
Bibi Ngota Journaliste camerounais est mort en prison en 2010. Il fut emprisonné pour avoir fait une enquête sur la gestion pétrolière et pour avoir publié un document classé top secret par le pouvoir.
En février 2008, plus de 100 Camerounais descendus dans la rue pour contester la deuxième révision constitutionnelle, ont été abattus par l’armée camerounaise qui a tiré sur eux à balles réelles sans sommation (voir rapport général d’Amnesty International, 2011).
A ce jour, aucune indemnisation n’a été accordée à leurs familles et aucune autorité ayant donné l’ordre de tirer à balles réelles sur des manifestants n’a été jugée.
Les élections présidentielles de 1992 ont été gagnées par l’opposition Camerounaise mais cette victoire fut volée par le pouvoir dont le ministre de l’administration territoriale était chargé de leur organisation à travers le territoire national. Depuis les années nonante, c’est toujours une structure partiale mise en place par le pouvoir qui organise des scrutins ainsi tous viciés.
Un réseau de trafic d’êtres humains, notamment de bébés, est identifié au Cameroun depuis longtemps. Il est reconnu effectif par des gouvernements occidentaux. En 2012, Maître Alexis Deswaef, Belge et avocat au Barreau de Bruxelles, Président de la Ligue belge des droits de l’Homme, et la Sénatrice Belge Marie Arena ont reconnu que le Cameroun fait partie des dictatures historiques (Argentine, Espagne de Franco, Chine…) ayant instauré le trafic de bébés en leur sein.
Hillary Clinton, le secrétaire d’État américain, a rendu public ce 19 juin 2012 le rapport 2012 sur le trafic des êtres humains au cours d’une cérémonie au Département d’État américain. D’après ce rapport, «les autorités camerounaises ne respectent pas intégralement les normes minimales pour l'élimination de la traite des hommes».
La justice camerounaise est complètement détournée de son projet républicain pour servir les intérêts du pouvoir éternel de Paul Biya. Les États-Unis via Hillary Clinton ont récemment dénoncé le caractère partisan de la justice camerounaise qui utilise une pseudo lutte contre la corruption dont le but ultime non avoué est d’éliminer les adversaires politiques au régime en place.
Le Cameroun compte à l'heure actuelle de nombreux prisonniers politiques qui croupissent en prison pour avoir juste exprimé leurs idées politiques, refusé de se faire complice de la corruption ambiante ou exprimé une résistance face à l'Injustice :
A titre d'exemple citons les cas de l'écrivain Enoh Meyomesse arrêté en 2011, de Monsieur Paul Éric Kingué, Maire de Njombé-Penja emprisonné injustement et pour des motifs fabriqués de toute pièce depuis 2008 suite aux émeutes de février de la même année, et de Monsieur Mboua Massockqui vient juste d'être arrêté et gardé à vue illégalement pendant 10 jours avant d'être libéré pour avoir exhorté les « Ben-skineurs » (moto-taximen) à résister pacifiquement aux harcèlements dont ils font l'objet etc.
La corruption est endémique au Cameroun (le pays a déjà été classé n°1 mondial par Transparency International). Elle est la culture publique la mieux partagée au Cameroun. Elle entraîne une informalisation et une criminalisation de l’État.
En 2012, voici une liste de l’élite politique emprisonnée pour détournement de deniers publics :
Anciens secrétaires Généraux de la Présidence de la République (Titus Edzoa, Jean-Marie Atangana Mebara, Marafa Hamidou Yaya) ; ancien Premier Ministre (Ephraïm Inoni) ; anciens Ministres (Mountchipou Seïdou, Alphonse Siyam Siwe, Haman Adama, Polycarpe Abah, Urbain Olanguena Awono, Paulin Abono, Henri Engoulou) ; anciens directeurs généraux et présidents de conseils d’administration de sociétés d’État (Yves Michel Fotso, Jean-Baptiste Nguini Effa, Emmanuel Gérard Ondo Ndong, Pierre Désiré Engo, Zacchaeus Forjin-dam, Gilles Rogers Belinga, Edourad Etonde Ekotto) ; ancien ambassadeur (Gérôme Mendouga) ; ancien Ministre décédé (Booto A Ngon) ; ancien Ministre en fuite (Dieudonné Ambassa Zang)….
Le code électoral camerounais qui date de 2012 a été adopté par le pouvoir en place mais rejeté par le groupe des sept partis d’opposition les plus représentatifs. Il a également été classé d’antidémocratique par l’Internationale Socialiste……...
Mesdames, Messieurs, Excellences.
Nous, Associations camerounaises de la diaspora, ne voulons offenser quiconque en rédigeant cette correspondance. Même pas Madame Maggie de Block et encore moins ses proches ou sa famille.
Notre correspondance est un rapport d’intervention publique. C’est une prise de parole démocratique dont le but est de dénoncer un discours erroné sur le statut politique du Cameroun, de rétablir la vérité et de préserver les rapports cordiaux et de respect entre le peuple belge et le peuple camerounais.
En vous souhaitant une bonne réception et une bonne lecture de cette correspondance, nous vous faisons parvenir nos salutations les plus distinguée et restons à votre disposition le cas échéant.
Fait à Bruxelles le 27/06/12
Signataires
Mr. Thierry AMOUGOU, Président de la Fondation MoumiéMr. Brice NITCHEU, Président du CODEMme. KOKO ATEBA, Présidente ACP-DHMr. Elie KADJI TOUKAM TCHUESSA, Président de CEBAPHMr. Marcel TCHANGUE, Activiste politique et membre du CNI,Mr. Eric NGUEMALEU, Président Collectif FoléfackMr. Jean Marie MOUKAM, Président CCL.LibérationMlle Gisèle T. EMEGUE, Président ASIMr. ROUFAOU OUMAROU, Administrateur de l 'APJE
Source:camer.be
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