Des femmes, des hommes, des familles entières et beaucoup d’enfants. Des centaines de familles venues de Damas, Homs, Alep, Idleb et d’autres villes syriennes où les bombardements et les tueries font fuir. Ils ont tout laissé derrière eux pour se réfugier en Algérie. Tout, sauf leur dignité.
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« Nous sommes Syriens, nous avons besoin d’aide ! ». Les
yeux noirs perçants, le teint basané,
l’homme adossé au mur brandit son passeport noir pour le prouver puis prend la
pièce qu’on lui tend et la remet à sa femme, assise en tailleur, tout près de
lui. L’appel à la prière résonne. A quelques mètres, un enfant, 3 ans à peine,
tourne en rond avec des bouts de cartons colorés dans les mains. Le couple ne
le quitte pas des yeux. Les va-et-vient ne perturbent pas leur attention. Un
autre Algérois s’arrête, – avant de prendre les escaliers qui mènent à la salle
de prière -, et glisse quelques pièces dans la main de l’homme.
Même rituel du passeport brandi et des pièces récoltées. La
femme appelle son enfant et le retient dans ses bras parce qu’il gène le
passage. Ils sont de plus en plus nombreux à rentrer dans cette petite Mosquée
de Ben Omar, à Kouba, une commune située dans la proche banlieue Sud-Est
d’Alger. L’une des nombreuses mosquées où les « réfugiés » syriens, fraîchement
débarqués à Alger, trouvent hospitalité, soutien mais aussi un espace de «
mendicité ».
« Non ! Nous ne
sommes pas des mendiants ! Juste un peuple en détresse ».
La nuance est de taille et ils sont nombreux à y tenir. Des
femmes, des hommes, des familles entières et beaucoup d’enfants. Des centaines
de familles venues de Damas, Homs, Alep, Idleb et d’autres villes syriennes où
les bombardements et les tueries font fuir. Ils ont tout laissé derrière eux
pour se réfugier en Algérie. Tout, sauf leur dignité.
Silence des autorités algériennes
Ils seraient des milliers mais les autorités algériennes
n’ont pas encore communiqué leur nombre exact ni d’ailleurs commenté leur
présence sur le sol algérien. Ils errent depuis des semaines de quartier en
quartier, de ville en ville privilégiant les mosquées pour dormir et les
jardins publics pour bénéficier de la charité des passants. L’Etat algérien n’a
rien entrepris pour les prendre en charge, ils sont donc livrés à la générosité
populaire. Ils sont des dizaines à se rassembler tous les jours au jardin du
Square Port Said, au cœur de la capitale.
Kamal, 45 ans, s’est installé avec sa femme et ses 5 enfants
dans un coin ombragé. Il attend, sans savoir quoi !
« Je suis à Alger
avec toute ma famille depuis 3 mois déjà, j’ai quitté Idleb pour sauver ma
famille. Je suis très inquiet parce que nous avons dépassé la durée légale de
notre séjour en Algérie. J’ai fini toutes mes économies et je ne sais plus quoi
faire ! ».
Avant que son pays ne sombre dans la crise, Kamal était
commerçant et gagnait très bien sa vie. Aujourd’hui, il ne lui reste presque
rien.
« Ma femme a vendu
tous ses bijoux. Nous payons chaque soir 1000 dinars (7 euros) pour l’hôtel. Nous passons nos journées ici
dans ce jardin parce que ça nous permet de nous rassembler, d’autant que
certains habitants du quartier nous apporte à manger le soir pour la rupture du
jeûne».
Des touristes pas comme les autres
Kamal, comme beaucoup d’autres Syriens arrivés en Algérie
depuis plus de 3 mois, cherche un moyen de quitter l’Algérie, à moindre coût,
pour une journée ou deux. Les nombreux Syriens entrés en Algérie ces dernières
semaines sont légalement considérés comme des touristes et n’ont donc pas le
droit de passer plus de 3 mois sur le sol algérien. Ali, un habitant du
quartier conseille à Kamal d’aller en Tunisie, traverser rapidement les
frontières en taxi et revenir.
« Tu pourras avoir
un cachet sur ton passeport et ça te prendra deux ou trois jours de voyage
seulement », précise Ali. Kamal n’est pas convaincu et cherche du regard
quelques uns de ses compatriotes syriens.
Ils semblent tous gagnés par la suspicion. « Ce n’est pas
une solution », commente l’un d’entre eux.
« Nous aimerions
que les autorités algériennes nous épargnent. C’est déjà assez difficile comme
ça », lâche-t-il dépité avant de s’éloigner du groupe.
A quelques mètres, toujours dans le jardin du square port
Saïd, un groupe de six hommes dépose leurs bagages et s’installe par terre. Ils
sont fatigués mais soulagés de trouver un petit coin ombragé. Ici, la chaleur
est étouffante et le jeûne ralentit les gestes.
« On vient
d’arriver de l’aéroport d’Alger en provenance de Damas, nous avons fait escale
à Qatar, le voyage a été long et éprouvant».
Peau brune, cheveux noir corbeau et yeux verts tranchants,
l’homme, dans les 50 ans, refuse d’en dire plus.
« J’ai laissé ma
famille là-bas parce que je n’avais pas assez d’argent pour payer leurs
billets, j’ai peur qu’on leur fasse du mal s’ils vous lisent, je refuse de
témoigner, ce serait les mettre en danger », explique-t-il ému.
« Nous ne sommes pas des mendiants »
Ces milliers de Syriens sont venus en Algérie, en pensant y
trouver un emploi, du soutien, un abri contre l’insécurité en attendant que le
calme revienne dans leur pays, ils y affrontent la peur du mépris, de la
mendicité et du rejet que la générosité populaire ne saurait estomper. Où
vont-ils aller, comment vont-ils survivre ? Et jusqu’à quand pourront-ils
rester ici ? Aucun d’eux n’arrive à y répondre. « Nous vivons au jour le jour»,
confie Kamal, l’air dépité mais avec beaucoup de retenue. Ils souffrent et
réclament de l’aide, en essayant de ne pas abîmer leur fierté ancestrale. Ils
attendent dans la capitale et dans plusieurs autres villes d’Algérie.
« Nous sommes en
détresse mais nous refusons d’être assimilés à des mendiants, nous sommes un
peuple fier, très fier, n’oubliez pas de l’écrire », insiste Kamal.
Fella Bouredji (Critique littéraire et journaliste au
quotidien algérien El Watan)
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