Si le dernier rapport de la banque mondiale, paru le mois de mai dernier, sur la jeunesse au Maroc a le mérite de remettre sous le feu des projecteurs la problématique du chômage des jeunes (30% des 15-29 ans sont sans emploi), les recommandations proposés allant dans le sens d’un renforcement du rôle de l’Etat ne sont pas prêtes de la résoudre. Que doit-on faire ?
D’aucuns
peuvent convenir que pour être intégré économiquement, il faudrait deux
ingrédients : l’employabilité des jeunes et l’existence d’offres
suffisantes en quantité et en qualité. Or, le Maroc est dépourvu sur les deux
plans. Non seulement notre capital humain est de mauvaise qualité, mais notre
économie est incapable d’offrir suffisamment d’emplois. En conséquence, il
n’est pas étonnant de voir que le tiers de nos jeunes sont sans emploi. En
réalité, nos jeunes sont doublement pénalisés dans le sens où ils sont
sacrifiés en termes de formation et en termes d’opportunités d’emploi.
La
raison fondamentale est institutionnelle dans la mesure où les institutions, au
sens de règles du jeu économique, sont faites de manière à profiter à une
petite minorité et à exclure de larges pans de la société, en l’occurrence les
jeunes : la persistance d’une économie rentière bloque l’ascenseur social
au Maroc et empêche les jeunes de profiter de la croissance et de s’intégrer
économiquement.
En effet, la classe rentière au Maroc a privatisé l’Etat et
s’est accaparé l’essentiel des activités lucratives dans le pays et a
complètement verrouillé le système économique en s’assurant des monopoles et
des privilèges grâce à la connivence des politiques. De ce fait l’accès aux
affaires et aux emplois, est devenue affaire de clientélisme et de proximité
avec les décideurs et non pas question de mérite et de création de valeur
ajoutée.
Par
conséquent, résoudre la problématique de l’intégration économique des jeunes ne
serait possible sans que l’on ne s’attaque au tabou du mariage incestueux entre
le politique et l’économique au Maroc. Car il n’y a pas que des licences
(transport, carrières) dans ce pays qui constituent une source de rente :
tous ceux qui sont proches du pouvoir disposent d’une rente.
Pour en finir avec
l’économie de rente qui coûte des points de croissance à l’économie marocaine
et donc des milliers d’emplois, il faut changer les incitations, ce qui
implique forcément un changement institutionnel, c’est-à-dire un changement des
règles du jeu économique. Les décisions économiques ne doivent plus être
guidées par la logique politique consistant à acheter des voix ou à conclure
des alliances ou encore acheter de la paix sociale de courte durée. Elles
doivent désormais être fondées sur le critère de l’efficacité et de la création
de valeur ajoutée.
Pour pouvoir rompre avec l’économie de rente et aller vers
une économie productive, créatrice d’emplois, il faudrait faire sauter ce
verrouillage du système économique en libérant les individus de toutes les
contraintes imposées par les rentiers dans ce pays. En d’autres termes, il faut
leur offrir davantage de liberté économique.
Parallèlement,
il faut modifier d’approche en matière de lutte contre le chômage.
Contrairement aux recommandations du rapport, la solution ne réside pas dans le
renforcement de l’intervention de l’Etat : toutes les politiques étatiques
basées sur des emplois subventionnés et la politique des grands chantiers ont
été un échec.
Les premières car elles se sont traduites seulement par des
effets d’aubaine incitant plusieurs entreprises à les détourner pour profiter
de quelques exonérations ; les secondes car elles ne faisaient que créer
des emplois temporaires. Au final, ces politiques publiques non seulement n’ont
pas réussi à insérer les jeunes, mais ont gaspillé des deniers publics. L’État
ne peut pas « créer » des emplois : il ne peut les financer
qu’en prélevant des ressources à d’autres individus, ce qui implique… la
destruction d’emplois ailleurs. L’emploi ne se décrète pas.
Seules les
entreprises peuvent créer des emplois et si l’État doit « faire quelque
chose », serait justement de leur faciliter la tâche et non pas de les
concurrencer ou de dresser des obstacles de toutes sortes rendant l’investissement
une aventure périlleuse. Ainsi, l’Etat est invité non seulement à revoir son
rôle pour devenir un simple facilitateur d’affaire, mais aussi revoir sa
politique économique.
Les
emplois dépendent de la force et de la régularité de la croissance. Or, la
croissance marocaine lors de la dernière décennie (en moyenne 4,5%) n’a pas été
créatrice d’emplois pour la simple raison que le modèle sur lequel elle est
basée n’est pas approprié. En effet, les gouvernements marocains ont fait le
choix de stimuler la demande interne afin de soutenir artificiellement la
croissance.
Toutefois, en l’absence d’offre nationale compétitive, la
stimulation de la consommation des ménages et des investissements publics a
d’abord profité à nos fournisseurs étrangers, alors que les entreprises
marocaines censées employer les jeunes étaient surclassées. Par ailleurs, le
tissu productif marocain n’est pas apte à créer des emplois qui répondent aux
aspirations des jeunes diplômés car opérant dans des secteurs à compétence et
productivité faibles.
D’où la
nécessité d’adopter une approche complémentaire de la croissance par l’offre,
fondée sur l’amélioration de la productivité et de la compétitivité des
entreprises. Depuis l’indépendance et jusqu’à présent, c’est l’Etat qui a
toujours assuré le rôle d’investisseur et d’employeur principal, opérant ainsi
un effet d’éviction sur l’investissement privé en le cantonnant à des activités
à faible valeur ajoutée ou le renvoyant à une informatisation forcée.
Cette
situation témoigne encore de l’excès d’interventionnisme étatique et de
l’hostilité de l’environnement des affaires au Maroc en dépit de progrès
tangibles (le Maroc ayant gagné 20 places dans le classement établi par Doing
Business 2012 en passant du 115e rang au 94e sur 183 pays).
Toutefois, la marge
de progression reste très importante sur plusieurs volets, d’où la nécessité
d’une accélération des réformes, particulièrement celles de la gouvernance, des
droits de propriété, de la justice et du financement, et ce, afin d’aplanir les
obstacles à l’entrepreneuriat. En soutenant à la fois la demande et l’offre
domestique, l’on pourra garantir une croissance forte, stable et surtout
créatrice d’emplois.
Hicham El Moussaoui - Afrik.com
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