Six mouvements d'auto-défense maliens ont annoncé avoir formé samedi à Bamako un front unifié pour "libérer" le nord du Mali occupé depuis près de quatre mois par des groupes islamistes armés.
Avez-vous entendu parler de la dernière sombre affaire qui
hystérise le Cameroun ? Je vous la résume. C’est l’histoire d’un prélat,
l’archevêque de Yaoundé, Mgr Tonye Bakot, par ailleurs grand chancelier de
l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC), qui écrit au Père Martin
Birba, doyen de la Faculté de sciences sociales et de gestion de l’Université
en question. L’objet du courrier, «Statistiques», n’a rien à voir à un
quelconque cours relevant de cette discipline. Mgr Tonye Bakot évoque plutôt de
sinistres considérations relevant de la comptabilité ethnique. En gros, que dit
la lettre?
-Que 48% des enseignants associés viennent de la seule
province de l’Ouest-Cameroun.
-Que 31,5% des enseignants permanents viennent de la seule
province de l’Ouest-Cameroun.
-Que plus de 60% des étudiants de la Faculté viennent de la
seule province de l’Ouest-Cameroun.
Pour Mgr Tonye Bakot, ces statistiques révèlent un
«problème». Qu’il faut corriger par une forme de discrimination (positive ou
négative, selon les intérêts ou les opinions de chacun). «A valeur égale sur le
plan intellectuel», il faut privilégier les enseignants des autres régions,
nous apprend l’Eminence. «Outre les corrections anonymisées» qui existent
visiblement déjà, ce qui pousse le vieux curé indigne à relayer des rumeurs non
prouvées de signaux secrets inscrits par les étudiants de l’Ouest à l’usage des
enseignants de l’Ouest à l’occasion des concours, il faut diversifier le plus
possible les profils ethniques des correcteurs.
Ce billet n’a pas pour objectif premier de démontrer que la
démarche de Mgr Tonye est ethniciste, tribaliste, etc… Mais il a pour ambition
de prouver qu’elle est intellectuellement mal construite, malhonnête voire
profondément stupide, et qu’elle est caractéristique de ces raisonnements
erronés qui conduisent le Cameroun – et l’Afrique – à poser des faux problèmes
auxquels il sera forcément apporté de fausses solutions. Relevons au passage
que la logique totalement ahurissante du prélat conforte à la fois les
tribalistes anti-Bamilékés et les tribalistes Bamiléké. Parce que, si l’on ne
rejette que les soupçons de fraude aux concours évoqués, l’on finit par
admettre que les ressortissants de l’Ouest-Cameroun sont «forts», plus «forts»
que les autres. Ce qui est grotesque.
Je n’ai jamais fait le moindre certificat de statistiques,
mais comme tout honnête homme je connais un des concepts-clés de cette
discipline scientifique : l’échantillon. 60% des étudiants de la Faculté sont
originaires de la seule province de l’Ouest-Cameroun. Quel était leur
pourcentage parmi les candidats au concours ? Quel était leur pourcentage parmi
les bacheliers de leur promotion ? Mgr Tonye Bakot ne le dit pas. Le sait-il
seulement ? S’en soucie-t-il ?
Quel est le pourcentage des «ressortissants de l’Ouest» au
Cameroun ? Le recensement général de la population de 2005, dont les résultats
ont mis cinq années à être rendus disponibles, ne le dit pas. A quoi peut donc
ressembler un «équilibre ethnique» pertinent au Cameroun ? Si nous avons, au
hasard 35% de la population générale qui «vient» d’une province A, 20% d’une
province B, et 8% d’une région C…, l’équilibre veut-il que, parce qu’il y a 10
provinces, chaque province apporte au pot commun 10% des fonctionnaires, des
étudiants des établissements publics et privés, des joueurs de l’équipe
nationale, des Miss Cameroun et de leurs dauphines ? Si la réponse à cette
question est oui, l’on créera forcément
un déséquilibre structurel qui ne pourra être résolu que par une
épuration – génocide, émigration forcée, etc… Est-ce vraiment cela que les
Camerounais veulent ?
Dans sa lettre, Mgr Tonye Bakot note que 50% des enseignants
permanents de la faculté qu’il dissèque sont originaires du Centre et du
Littoral tandis que 31,5% sont originaires de l’Ouest. Pourquoi agglomère-t-il
le Centre et le Littoral ? Pourquoi agglomère-t-il, dans son «recensement» des
enseignants non permanents, le Centre, le Sud et le Littoral ? Pourquoi ne
donne-t-il pas le pourcentage du seul Centre, c’est-à-dire 37,9% ? Quand on
regarde froidement ses données, l’on se rend compte que seules quatre des dix
régions du Cameroun sont représentées dans le corps enseignant...
S’il ne cachait pas certaines données, l’on se rendrait
compte que l’Ouest n’est pas la seule région «sur-représentée» dans le corps
enseignant, même si l’on se plie à son prisme déformant. En réalité, le
raisonnement de Tonye Bakot part d’un étrange prérequis selon lequel il y a un
problème «de l’Ouest», et que c’est ce seul problème que les politiques
d’équilibrage doivent régler. Il trahit la sujétion de Tonye Bakot à une vision
coloniale du Cameroun, traduite dans la fameuse phrase du colonel Jean
Lamberton, qui a été un des officiers français qui a réprimé violemment le mouvement
indépendantiste camerounais : «Le Cameroun s’engage sur le chemin de
l’indépendance avec, dans sa chaussure, un caillou bien gênant. Ce caillou
c’est la présence d’une minorité ethnique : les Bamiléké, en proie à des
convulsions dont l’origine ni les causes ne sont claires pour personne. (…)
Sans doute le Cameroun est-il désormais libre de suivre une politique à sa
guise et les problèmes bamiléké sont du ressort de son gouvernement. Mais la
France ne saurait s’en désintéresser : ne s’est-elle pas engagée à guider les
premiers pas du jeune Etat, et ces problèmes, ne les lui a-t-elle pas légués
non résolus ? (…)
En fait, les Bamiléké forment un peuple. Il suffit pour s’en
convaincre de considérer leur nombre, leur histoire, leur structure sociale et
leur dynamisme. Qu’un groupe homogène de populations nègres réunisse tant de
facteurs de puissance et de cohésion n’est pas si banal en Afrique Centrale ;
au Cameroun, du moins, le phénomène bamiléké est sans équivalent (…) L’histoire
obscure des Bamiléké n’aurait d’autre intérêt qu’anecdotique si elle ne
révélait à quel point ce peuple est étranger au Cameroun.» On ne peut
comprendre les dérapages de Mgr Tonye Bakot que si l’on prend en compte le fait
que le logiciel colonial continue de coloniser son cerveau, comme celui de tous
ceux qui prétendent qu’il y a un problème bamiléké au Cameroun – les Bamilékés
qui se vantent de leurs qualités supposées, et les tribalistes anti-Bamilékés
qui s’en inquiètent. Mgr Tonye Bakot n’est donc pas un patriote camerounais. Il
s’oppose à la construction nationale. En effet, peut-on parler de nation
camerounaise si les droits de chaque citoyen sont subordonnés à l’endroit où
son grand-père, voire son arrière-grand-père paternel est né ?
Au-delà du défi national, les intégrismes ethniques
camerounais escamotent une des questions les plus importantes du pays. Au lieu
de traquer les origines ethniques de ses étudiants, le grand chancelier de
l’Université catholique serait bien inspiré d’enquêter sur les origines
sociales de «ses» étudiants, et d’élargir son étude – qu’il pourrait faire
réaliser par ses étudiants en sciences sociales, toutes ethnies confondues –
sur les chances qu’un fils de pauvre a de s’en sortir autrement que par le
banditisme dans un pays gangrené par la corruption et le refus de la
méritocratie. Combien y a-t-il de fils d’ouvriers, de modestes paysans, de
sans-emploi, dans son établissement où la scolarité représente près de trois
années de SMIC au Cameroun ?
Au fond, qu’est-ce que cela peut bien faire à un fils de
paysan de l’Adamaoua qu’il y ait plus de fils de ministres vivant à Santa
Barbara dont les grands-parents viennent de l’Ouest que de fils de ministres
vivant à Santa Barbara dont les grands-parents viennent de l’Adamaoua… dans une
université où il a très peu de chances d’étudier ? Et si l’échauffement
ethnique était le consensus minimal des différentes coteries bourgeoises du
Cameroun, qui, avant d’aller à l’assaut du pouvoir, prennent chacune en otage
une armée de nécessiteux aveuglés par les illusions identitaires ?
© kouamouo.ivoire-blog.com : Théophile Kouamouo - Camer.be
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