Le ministre actuel de la Communication, s’il a encore sa place dans le gouvernement de Philémon Yang, doit immédiatement changer de portefeuille, mais surtout ne plus demeurer Place de l’Hôtel de ville.
Jusqu’ici, Issa Tchiroma faisait bien son travail,
c’est-à-dire celui d’encaisser les coups, de prendre sur lui. Or aujourd’hui,
Issa Tchiroma est un hiatus vivant avec la vision des Grandes Réalisations,
dont il dépare le décor.
Plus ça change, plus c’est pareil ?
Le Cameroun se transforme, il est en chantier ; mais le
peuple lui ne va pas changer du jour au lendemain, le peuple est cet enfant qui
a besoin qu’on lui montre le changement qui se passe pourtant sous ses yeux, qu’on
lui explique ce changement.
Si on le « châtie », il faut bien que l’enfant intègre que
c’est dans son intérêt bien compris. Ainsi la hausse à trois chiffres des prix
du pétrole doit-elle être expliquée comme faisant partie des Grandes
Réalisations, d’où elle tirerait toute légitimité. Si on veut en faire un
artefact, la présenter comme un impondérable, cela jetterait un grave discrédit
sur la dynamique des Grandes Réalisations. Si la hausse des prix du pétrole
parlait, elle nous dirait qu’elle est une modalité de la mise en œuvre des
Grandes Réalisations, mais la hausse des prix est muette, comme les grandes
douleurs.
Les a priori sont tellement défavorables au pouvoir en place
que les actions, même si elles sont réelles, méritent une communication maîtrisée.
C’est-à-dire sans Issa Tchiroma dont la pertinence à ce poste ne tient qu’en la
résolution des problématiques communautaires (community planning) et en des
intérêts si strictement politiciens qu’ils en deviennent nuisibles à
l’effectivité des Grandes Réalisations.
Il a fallu sept ans pour comprendre la vision des Grandes
Ambitions, sept ans d’une communication à côté de la plaque. En 2004, la
profession de foi de Paul Biya dans mon Monatélé natal, dupliquée à Maroua,
avait été parcourue dans sa longueur par le fil conducteur des Grandes
Ambitions. Après des années contraignantes, socialement catastrophiques et de
stagflation durable sous l’égide des administrateurs du FMI, Yaoundé avait
enfin des coudées franches pour nous dire le monde selon Biya.
« Un caillou dans la chaussure »
Cette liberté d’avancer la tête haute a été conceptualisée
sous l’appellation de Grandes Ambitions. Les Grandes Ambitions étaient bel et
bien une réponse politique opportune à des tendances culturelles, à des années
de désespoir, et à la religion du scepticisme. Les Grandes Ambitions, c’était
l’utopie moderne de ceux qui les ont inventées. Elles ont peiné à exister
au-delà des communications politiques du président national du RDPC : la
communication médiatique a tourné court.
Ainsi a-t-on vu Issa Tchiroma s’égarer dans des envolées
lyriques au sujet de Paul Biya plutôt que de veiller à la cohérence formelle
des Grandes Ambitions qui, à force, nous étaient apparues comme une idée-rôle.
Issa Tchiroma est une espèce de bruiteur qui a parasité le message des Grandes
Ambitions ; il peut donc, sans usurpation, être considéré comme l’un des
fossoyeurs les plus flagrants de ce rêve fou, que Paul Biya n’a pas pu partager
avec son peuple.
Même au pouvoir, Issa Tchiroma a toujours eu une âme
d’opposant et s’est illustré dans la réaction, la contestation du bon sens et
des choses les plus évidentes à tous, s’engageant dans une véritable
course-poursuite avec les rumeurs. Son amour pour Paul Biya l’a à ce point
rendu aveugle qu’il ne peut plus servir le Cameroun dans les fonctions qui sont
actuellement les siennes. Issa Tchiroma a plafonné, il a donné ce qu’il a pu et
ses brillantes aptitudes ne sont plus guère que des porte-voix de sa nouvelle
incompétence. Cet homme n’est pas au niveau des Grandes Réalisations et c’est
au Ministère de la promotion de la femme qu’on devrait l’envoyer se recycler.
Idéologie, système et logorrhées
Les Grandes Réalisations ne sont pas une idéologie.
Aujourd’hui ce terme est très connoté, tant et si bien que promouvoir une
idéologie correspond souvent à sacrifier aux « intérêts de classe » (Marx). Qui
dit idéologie, dit doctrine, qui dit idéologie dit propagande. Il serait juste
de mettre au crédit du RDPC de ne s’être jamais enfermé dans une idéologie. Les
plus grandes démocraties utilisent d’ailleurs ce terme avec beaucoup
d’économie, on préfère parler de valeurs.
Le pouvoir en place est un système, contrairement à ce que
voulaient laisser entendre certains experts, arguant de ce que, s’il s’agissait
de système, il se serait déjà déglingué en raison des défections successives
qu’il enregistre.
C’est justement le fait que le pouvoir en place résiste aux
trahisons et aux lâchages de ses membres parmi les plus illustres qu’il est un
système, au moins au sens développé par Edgar Morin. Selon cet auteur, un
système a une vie propre, il naît et se régénère suivant sa propre logique,
dans une dynamique de l’ordre et du désordre (théorie du chaos). Paul Biya a
créé (en partie) son système qui en retour le fait durer, la fin de monsieur
Biya ne voudra pas dire la fin de ce système parce que, même s’il en est la clé
de voûte, il en est surtout un élément amovible.
La rigueur, c’est maintenant. La moralisation aussi
Le portrait-robot du Renouveau, c’était quoi ? Rigueur et
moralisation. A l’occasion des Grandes Ambitions, on aurait été bien en peine
de faire ressortir les grands traits de cette vision. Aujourd’hui, le
Gouvernement communique, on l’entend et on voit bien qu’il communique. C’est
pourquoi il nous apparaît avec autant de force que les Grandes Réalisations
sont une « variation sur le même thème » des Grandes Ambitions, elles
améliorent et réalisent (au sens de faire vivre) l’utopie des Grandes
Ambitions.
Les Grandes réalisations ne sont pas la suite des Grandes
Ambitions, mais un ajustement d’une vision (Grandes Ambitions) restée à l’état
de lettre morte, une version améliorée de ce qui aurait dû être fait. Les
Grandes Réalisations sont donc elles aussi une utopie qui nous porte. Sauf
qu’elle se déploie plus harmonieusement, elle est plus agissante que ne
l’avaient été les Grandes Ambitions.
Dans les années 80, la rigueur au sens de monsieur Biya
avait un sens plus moral que politique. La rigueur aujourd’hui a un sens plus
économique que moral. La rigueur est cet énième coup porté à l’Etat-providence,
la rigueur signifie que l’Etat laisse jouer les lois du marché, pour atteindre
ses objectifs stratégiques. La rigueur, c’est un risque politique courageux.
Car si hier les lettres d’Hillary Clinton ont été
superbement ignorées par le peuple camerounais, les Grandes Réalisations sont
désormais brouillées par la scénarisation que monsieur Marafa Hamidou Yaya a
fait de sa chute. Celle-ci lui donne une popularité factice qui fait croire en
un potentiel électoral. On sait pourtant depuis Kah Walla que les électeurs qui
aboient ne mordent pas, ils ne sont même pas des électeurs. Qu’à cela ne
tienne, l’actualité politique camerounaise est particulièrement riche depuis
quelques mois, qu’elle soit d’autant plus riche en idées, en avancées, et plus
que jamais en Grandes Réalisations. La rigueur budgétaire et la moralisation
des comportements publics, voilà une ébauche du portrait-robot des Grandes
Réalisations. Toute ressemblance avec une vision préexistante est logique
davantage que hasardeuse.
Cela dit les Grandes Réalisations resteront inachevées si
l’Etat oublie d’arroser les médias locaux de millions, pour les aider à bien
comprendre le sens des Grandes Réalisations, pour les aider à bien communiquer
sur les Grandes Réalisations. L’Etat, dans la défense de ses intérêts
supérieurs, a le monopole de la corruption légitime. Plutôt que de se payer
France 2, que l’Etat du Cameroun se paie la presse nationale, il en a les
moyens. On peut prendre toutes les participations que l’on veut dans des médias
panafricains (Africa 24, etc.), on peut par téléphone dicter à François Soudan
des papiers sur le Cameroun, si la presse nationale rame à contre-courant, cela
ne sert à rien. Il ne s’agit pas de tuer tout esprit critique mais de
s’entendre sur l’essentiel, de conclure comme un pacte républicain sur nos
valeurs communes de justice, de solidarité, et de « progrès ».
L’effet Tchiroma
On doit apprendre à la presse à aimer non pas l’Etat
camerounais, mais le Cameroun, on doit, au besoin, le lui apprendre à coups de
francs CFA. On doit lui inculquer l’amour non pas d’un Camerounais, mais du
Camerounais. Pour en finir avec cette éternelle autodépréciation, cette
dégoûtation de nous-mêmes qui nous rend aveugles sur nos propres avancées,
amers sur notre patrie. « Le Cameroun est » comme-ci, « les camerounais sont »
comme ça : le Cameroun est au-dessus de nous tous, les Camerounais, c’est
nous-mêmes. Etre indulgent envers soi-même, c’est savoir se pardonner. Savoir
se pardonner, c’est reconnaître qu’on est imparfait, le reconnaître, c’est
commencer à se réaliser grandement.
A l’heure des Grandes Réalisations, la présence médiatique
du régime est certaine, mais encore diffuse. Quand un représentant de l’Etat
parle, c’est un représentant du RDPC que les Camerounais voient, alors que la
vision de monsieur Biya ayant déjà été validée par les élections, tout le monde
devrait s’approprier les Grandes Réalisations. Cette confusion s’appelle (et
résulte de) l’effet Tchiroma. Bien sûr, effet a ici une acception causale : le Gouvernement
se croit en campagne permanente, les Camerounais quant à eux refont chaque jour
le monde et élisent au gré des procès leurs nouveaux présidents.
Éric Essono Tsimi ,(
afrik.com)
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