L'anniversaire de l'adoption du Statut de Rome, créant la CPI, est l'occasion pour deux militants des droits de l'Homme de rappeler la nécessité d'une justice internationale faire avancer la paix en Afrique.
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Le monde d'aujourd'hui est très différent de ce
qu'il était il y a dix ans. Il y a désormais pour les victimes de ces crimes
atroces une possibilité de voir la justice rendue, en conduisant les personnes
qui portent la plus haute responsabilité dans leur planification ou incitation
à répondre pénalement de leurs actes.
Comme le démontre le verdict et la sentence de 14
ans d’emprisonnement prononcés à l’encontre de Thomas Lubanga, fondateur et
ancien commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo
(FPLC) et fondateur de l'Union patriotique congolaise.
Chacun doit répondre de ses actes
La CPI peut jouer un rôle de dissuasion déterminant
envers tous ceux qui envisagent de commettre des crimes graves en violation du
droit international, à l’instar de la conscription, l'enrôlement ou
l'utilisation d'enfants soldats dans le cadre d’un conflit.
De même, en émettant des mandats d’arrêt à
l’encontre de hauts dignitaires voire de chefs d’Etat comme le président
soudanais Omar el-Béchir, la CPI contribue à envoyer un message clair et ferme:
quelque soit votre rang, vous serez amenez à répondre de vos actes.
En d’autres termes l’impunité n’est plus de mise
pour ceux qui entendent conquérir le pouvoir ou s’y maintenir par la violence,
en commettant des violations massives des droits humains et du droit
international humanitaire.
Comme nous le savons tous, en tant qu’instrument de
dernier recours, la CPI n'agit que lorsque l'Etat compétent ne veut pas ou
n’est pas en mesure d’enquêter et de poursuivre les crimes les plus graves aux
yeux de la communauté internationale, commis au sein de sa juridiction
nationale.
En vertu du principe de complémentarité sur lequel
se fonde la CPI, c’est aux Etats qu’incombe la responsabilité première
d’enquêter et de poursuivre les crimes relevant de la compétence de la Cour.
De même, une fois activée la compétence de la Cour,
l’efficacité de son action dépend aussi de la pleine coopération de la
communauté internationale et, en particulier, des Etats parties dans
l’exécution de ses opérations et décisions.
Nombre de mandats d’arrêts émis à ce jour demeurent
ainsi inexécutés, par manque de volonté de la part de certains Etats parties
d’offrir, conformément à leurs obligations, leur plein soutien à l’application
des décisions de la CPI.
En 2011, un certain nombre d'Etats parties de la
CPI ont violé leurs obligations contenues dans le Statut de Rome, en recevant
impunément Omar el-Bechir sur leur territoire. En agissant de la sorte, ces
Etats ont renié leur engagement d’être du côté des victimes et non de leurs
tortionnaires.
En accueillant un criminel de guerre présumé et
recherché, ils ont bafoué le droit à la réparation et à l'établissement de la
vérité et de la justice pour les populations du Soudan et du Darfour.
L'exemple courageux du Malawi
La récente et courageuse décision du Malawi de ne
pas accueillir le sommet des chefs d'Etat de l’Union africaine, au motif qu’il
n’entendait pas inviter Omar al-Béchir, constitue un progrès salutaire dans la
coopération attendue des Etats.
De la même manière, nous ne pouvons que regretter
et condamner la caution accordée par l’Union africaine au refus de coopération
avec la CPI, qui est en contradiction flagrante avec l'engagement, inscrit dans
son acte constitutif, de lutter contre l’impunité et pour l’affirmation de la
justice pénale internationale.
En outre, les motifs invoqués pour justifier cette
décision sont pour le moins troubles sinon fallacieux. Aux détracteurs
africains de la CPI qui voient dans celle-ci un instrument partial, nous
souhaiterions dire la chose suivante: les Etats africains n’en sont pas les
cibles privilégiées mais bien les utilisateurs primordiaux.
En effet, les Etats de l'Afrique ont été non
seulement une force motrice et ont joué un rôle crucial dans le processus de
création de la CPI mais ils se sont aussi révélés les plus actifs en référant
volontairement à la Cour des cas de violation massive du droit international
commis sur leurs territoires.
En agissant de la sorte, la République démocratique
du Congo, l’Ouganda, et la République centrafricaine ont reconnu l’utilité de
la Cour. De la même manière, aujourd’hui, nous estimons nécessaire et urgent
que la CPI agisse au Mali, afin de vérifier si des crimes de guerre et crime
contre l’humanité y ont été commis depuis l’éclatement en janvier 2012 de la
grave crise dans laquelle ce pays est plongé.
Différentes sources, y compris des fonctionnaires
de haut rang des Nations unies, ont rapporté que des crimes de guerre,
notamment en référence aux massacres perpétrés à Aguelhoc sur des militaires
loyalistes maliens, et l'enrôlement d'enfants soldats, mais aussi des exactions
contre la population civile, tels que des meurtres, des enlèvements, des viols,
auraient été commis par différents groupes armés qui occupent la partie nord du
pays.
Ceci justifie, tout au moins, l’ouverture d’une
enquête préliminaire et nous appelons la nouvelle procureure, Fatou Bensouda, à
agir dans ce sens.
Le rôle essentiel des Etats parties
Si les Etats parties et la communauté
internationale ont un rôle essentiel à jouer pour garantir que la CPI ne se
résume pas à un simple tigre en papier, celle-ci doit aussi améliorer ses
méthodes de travail.
La CPI ne peut envisager d’être efficace, dans son
travail d’investigation et de poursuites, par sa seule présence à La Haye.
La multiplication et la dissémination de bureaux de
représentation et de liaison sur le terrain, une collaboration accrue avec les
défenseurs de droits humains et les communautés affectées dans les pays en
situation, lui permettraient sans aucun doute de défier ses limites ou failles
actuelles et de répondre de manière adéquate à la nature ou à l'étendue des
crimes commis dans certains pays.
Sensibiliser et informer les populations
concernées, accroître la participation des victimes, en particulier celles plus
vulnérables, comme les femmes et les enfants, dès le début du processus est
aussi un moyen pertinent pour la Cour de remplir la part la plus essentielle de
son mandat: fournir un sens partagé de la justice et une compréhension majeure
de son travail aux victimes des crimes qu’elle entend poursuivre et juger.
Ceci est également crucial pour assurer un acquis
ou un héritage à long terme dans les pays concernés en faveur de
l’établissement d’une paix durable et de l’affirmation de l’Etat de droit.
Aussi imparfaits et incomplets que soient les
mécanismes de la CPI, ils contribuent à la réalisation d’un idéal pour lequel
nous militants radicaux avons lutter et continuons de lutter avec ténacité.
Ils sont aussi le fruit et l’incarnation d’une
conviction profonde que nous n’avons cesser d’affirmer: loin de s'opposer, la
paix (la paix durable et réelle, fondée sur la primauté du droit) et la justice
sont les deux faces d'une même médaille, le rétablissement de l’une dans les
pays meurtris par des conflits où la violence a fait rage ne peut advenir sans
la pleine affirmation de l’autre.
Demba Traoré et Niccolo’ Figa-Talamanca, sont
respectivement ex-député malien et secrétaire général du Parti radical
non-violent, transnational et transparti, et secrétaire général de l'ONG No
Peace Without Justice (
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