Les drames de l'immigration, survenus ces dernières semaines au Malawi et en Tanzanie, viennent rappeler l’attraction que joue l’Afrique du Sud auprès des Éthiopiens et des Somaliens. Prêts à tout pour traverser le continent.
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Les lumières sud-africaines font rêver les Ethiopiens et les Somaliens. D’autant que nombre de leurs compatriotes s’y sont établis, de Johannesburg au Cap.
Ces ressortissants de la Corne de l’Afrique sont prêts à
tout pour rallier la première puissance économique africaine, qui a reçu
100.000 demandes d’asile en 2011.
La famine, sécheresse, les conflits et la pauvreté de la
Corne les poussent à partir.
Quand ils pensent que ça ne peut pas être pire que chez eux,
ce long périple de plusieurs milliers de kilomètres ne les retient plus. Ou du
moins, ils essaient de ne pas trop y penser.
Les Est-Africains sont pourtant nombreux, depuis le début de
l’année, à l’avoir payé de leur vie, au Kenya, en Tanzanie et au Malawi. Il y a
d’abord les cas connus et tous les autres, isolés.
Ces dernières semaines sont venues rappeler le phénomène. A
quelques jours d’intervalle, deux drames ont montré l’ampleur des migrations de
la Corne vers le sud du continent.
Ces naufragés du lac Nyassa
C’est tout d’abord au lac Nyassa (aussi appelé Malawi), au
Nord-Ouest du Malawi, pays enclavé d’Afrique australe, que quarante-neuf
cadavres ont été découverts le 21 juin, après le chavirage d’une embarcation
qui transportait des Ethiopiens.
Trop chargé, le bateau avait quitté la partie tanzanienne
bordant le lac Nyassa pour le Malawi.
"Plusieurs
parties prenantes aux recherches ont identifié les morts comme Ethiopiens. Ils
sont aisément identifiables, car ils se déplacent souvent en grand nombre», avait
alors déclaré un porte-parole de la police malawite."
Le Malawi, après la Tanzanie et le Kenya, constitue un pan
de l’itinéraire habituel des migrants, qui espèrent ensuite passer en Zambie ou
au Mozambique, avant d’arriver en Afrique du Sud.
Quelques jours après le naufrage survenu au lac Nyassa,
c’est en Tanzanie, dans la steppe centrale du pays, baignée par le soleil du
matin au soir, où vivent les éleveurs masaï, que des cadavres ont été retrouvés
le 27 juin.
Quarante-trois Ethiopiens sont décédés, asphyxiés durant le
trajet dans le container d’un camion. Quelques quatre-vingt-quatre autres
migrants éthiopiens les accompagnant ont survécu.
Hospitalisés, "ils
devront rendre des comptes à la justice quand ils iront mieux, pour entrée
illégale dans notre pays», a expliqué un cadre du ministère tanzanien de
l’Intérieur."
Ces migrants ont confié à la police tanzanienne avoir
entrepris leur voyage depuis cinq mois: après le Kenya, où les services de
l’immigration sont d’une vigilance extrême, ils avaient rejoints Arusha, la
grande ville du Nord de la Tanzanie, où ils avaient pu trouver un chauffeur
prêts à les conduire avec un camion jusqu’au Malawi.
C’est d’ailleurs ce même chauffeur qui les a abandonnés au
milieu de nulle part quand le voyage a tourné au vinaigre…
Une expédition tragique —à l’origine, vers une vie supposée
meilleure— qui rappelle beaucoup celle survenue au moment de Noël, en décembre
2011.
L'enfer des Masaï
L'enfer des Masaï
C’était déjà en Tanzanie. Vingt migrants —tous
Somaliens—avaient été retrouvés morts dans le containeur d’un camion. Une
quinzaine d’autres Somaliens —les survivants— avaient déclaré à la police
qu’ils avaient refusé de grimper à bord, de peur de mourir comme leurs
compatriotes.
En Tanzanie, où le ministère de l’Intérieur réalise des
contrôles fréquents d’identité, des Ethiopiens et des Somaliens sont
régulièrement arrêtés le long de la frontière avec le Kenya.
Les services tanzaniens de l’immigration annoncent ainsi
avoir arrêté 1.700 Ethiopiens et Somaliens depuis le début de l’année 2011.
A Dar-es-Salaam, la capitale économique tanzanienne,
l’antenne de l’Organisation internationale des migrations (OIM) n’est pas
spécialement surprise des faits survenus ces dernières semaines.
Les employés renvoient à leur enquête, publiée en 2009, sur
l’immigration clandestine originaire de la Corne du continent et à sa
destination finale, l’Afrique du Sud: A la recherche du rêve sud-africain.
L’étude estime, depuis les passages des migrants au Malawi,
qu’entre 17.000 et 20.000 migrants tentent chaque année de rejoindre l’Afrique
du Sud, depuis l’Ethiopie, le Kenya et la Somalie.
Cette traversée du continent coûterait annuellement entre 34
et 40 millions de dollars aux migrants, selon les calculs de Christopher
Horwood, l’auteur du rapport, qui ne cache pas que ces chiffres seraient
probablement sous-estimés.
Des passeurs qui se font la belle
Chaque Ethiopien ou Somalien, projetant de rejoindre
l’Afrique du Sud, doit en effet s’acquitter de «droits» de plusieurs milliers
de dollars auprès des passeurs.
Mais le paiement ne se fait pas en une seule fois: les
contretemps sont multiples et remettre la main à la poche s’avère inévitable.
Le transport, la nourriture ou les caches constituent les postes de dépenses
les plus élevés.
Passer les frontières —souvent à la nuit tombée— demande de
corrompre les agents des services de l’immigration des différents pays
traversés.
Sans oublier le danger permanent, et les passeurs qui
peuvent parfois se faire la belle, laissant dans le désarroi les migrants.
La coordinatrice des programmes de l’OIM en Tanzanie, Monika
Perrufo, le confiait à RFI, au début de l’année, après la découverte des vingt
Somaliens décédés dans un containeur:
«Le voyage en
lui-même est très dangereux. Les trafiquants essaient toujours de soutirer de
l'argent aux migrants. Ils les abandonnent même parfois... Et il y a les
violences, les viols, et toutes sortes de mauvais traitements que je vous
laisse imaginer.»
En Tanzanie justement, où plus d’un millier d’Ethiopiens et
Somaliens seraient détenus en prison —où ils peuvent parfois être battus—,
l’OIM a aidé plus de 2.300 Ethiopiens à rentrer dans leur pays depuis 2009.
Pour les autres, une fois en prison, le chemin s’annonce
bien long. Ils n’ont parfois plus d’argent pour payer la caution de leur
libération pour les charges qui leur sont imputées.
Arnaud Bébien
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