Alors que l’envoi d’une force
neutre dans l’est de la RDC est en négociation, les rebelles du M23 mettent
désormais en avant des revendications de politique générale. Une stratégie dont
les finalités restent obsucures, mais qui pourrait servir à gagner du temps.
Après avoir mis en place une
ébauche d’administration dans les zones qu’ils contrôlent, les rebelles
congolais du Mouvement du 23 mars (M23) poursuivent leur mutation. Dimanche 19
août, ses responsables ont annoncé avoir formé un cabinet politique. Composé de
25 membres, celui-ci compte un président, un chef militaire, un secrétaire
exécutif, et des chefs de départements. « Leur rôle sera la gestion de la
population dans la zone que nous contrôlons », explique le colonel Vianney
Kazarama, porte-parole du M23.
Alors que son action a exacerbé
les tensions ethniques, le mouvement affiche désormais sa volonté de prendre
ses responsabilités envers les populations. Sa restructuration confirme en tout
cas l’évolution de la rébellion depuis le début du conflit, en avril. Né de la
défection d’ex-membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), le
M23 cherche aujourd’hui à prouver qu’il est une structure politique aux
ambitions nationales légitimes. « Nous voulons montrer à la communauté
internationale et nationale que le M23 n’est pas simplement une organisation
militaire, mais un mouvement politico-militaire », dit le colonel Kazarama.
De fait, les revendications du
mouvement ont évolué en ce sens. Après avoir demandé le respect des accords du
23 mars 2009, puis s’être érigés en protecteur des communautés tutsies, les
rebelles font maintenant de la bonne gouvernance et du respect du résultat de
la présidentielle de 2011 leur nouveau cheval de bataille. En nommant des
comités locaux de sécurité constitués de ses cadres de base, des autorités
coutumières locales ainsi que des élites des communautés, le M23 cherche à
améliorer son image auprès des habitants du Nord-Kivu. L'objectif est de
montrer que la rébellion est capable de maintenir l’ordre et la paix dans une
zone où le gouvernement de Kinshasa a échoué.
Quelles ambitions ?
Reste qu’il est encore difficile
de voir clair dans les ambitions du M23 : veulent-ils le retour au statu quo
d’avant la rébellion ? Le mouvement veut-il aller plus loin, vers le
fédéralisme ou un simple changement de gouvernement ? Officiellement, les
représentants des rebelles se refusent à expliciter ce qu’implique à leurs yeux
« le respect du résultat des urnes ». Mais, devant la rapidité avec laquelle la
rébellion a gagné du terrain, certains de ses membres ont revu leur ambitions à
la hausse et militent pour que le mouvement demande officiellement le départ du
président Joseph Kabila. « C’est trop tard, il faut qu’il parte », martèle un
membre du bureau politique.
Deux interrogations demeurent. La
mutation du M23 transcrit-elle une réelle volonté de changement national ? Ou
est-ce seulement une stratégie pour amener le gouvernement à parlementer ? «
Beaucoup d’officiers du M23 aimeraient entamer des négociations avec le
gouvernement mais savent très bien qu’ils ne le pourront pas avec, comme
demande principale, le départ de Kabila », affirme Jason Stearns, ancien
coordinateur du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC.
"Ne pas surestimer leur
puissance"
Mais d'abord, les rebelles
sont-ils capables de menacer Kinshasa ? Pour l’instant non, estime Jason
Stearns. « Il ne faut pas surestimer leur puissance, explique l’analyste. Le
CNDP contrôlait un territoire trois plus grand que le M23 maintenant, et Kabila
n’a pas quitté le pouvoir à cause de cela ». Moins puissant que ne l'était le
CNDP, la rébellion se développe cependant rapidement. Les rebelles ont capturé
beaucoup de munitions et de matériel, mis en place un camp de formation, alors
que, dans le même temps, la multiplication des défections au sein des FARDC
vers le M23 ou d’autres rébellions affaiblit encore plus l’armée.
À Goma, les dernières réunions de
la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) ont précisé
la composition de la force neutre qui pourrait être déployée dans le Nord-Kivu
et dont les questions logistiques restent à trancher. « Mais aucun bailleur
fonds ou diplomate ne croit à cette force », assure Jason Stearns. « Dans le
passé, les négociations ont été un moyen pour les rebelles de se réorganiser,
de se renforcer, de nouer des liens avec des autres partenaires ».
Selon lui, le risque est que,
faute de compromis politique, la confrontation militaire reprenne de plus belle
« avec un M23 beaucoup plus organisé, plus formé, et plus fort qu’avant ».
© Jeune Afrique
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