Venezuela - décès de Hugo Chavez, un tribun populiste à multiples facettes


A la tête du Venezuela depuis décembre 1998, Hugo Chavez a succombé ce mardi 5 mars des suites d’un cancer à l'âge de 58 ans. Il laisse l’image d’un leader controversé qui a su jouer de ses talents d’orateur pour séduire un électorat populaire et de la manne pétrolière pour financer sa politique. 


Héritier déclaré de Simon Bolivar, il était une voix qui comptait en Amérique latine et en dehors. ...Né dans la petite ville de Sabaneta, dans l’Etat de Barinas (à 400 kilomètres de la capitale Caracas), région spécialisée dans l’élevage du bétail, Hugo Rafael Chavez Frias n’était pas a priori destiné à devenir un jour l’empêcheur de tourner en rond du continent américain. Issu d’une famille d’enseignants, il a d’abord rêvé, comme nombre de ses compatriotes, de devenir une star du base-ball. Faute d’y parvenir, il est entré dans l’armée, un bon moyen d’acquérir une éducation gratuite, lui qui ne faisait pas partie de l’ « élite blanche » dominant le pays.

Sous l’uniforme, Chavez gravit rapidement les échelons jusqu’au grade de lieutenant-colonel. Dès 1983, il fonde le MBR-200 (Mouvement bolivarien révolutionnaire 200) en hommage au libérateur de l’Amérique latine Simon Bolivar dont on célèbre, cette année-là, le 200e anniversaire de la naissance. Neuf ans plus tard, le 4 février 1992, il prend la tête d’un coup d’Etat contre le président en place, le démocrate Carlos Andres Perez

Bien que le putsch échoue, Chavez ne désarme pas. Depuis sa prison, il enregistre une vidéo pour appeler à l’insurrection. Elle est diffusée sur les chaînes nationales dans la nuit du 26 au 27 novembre 1992 alors que les militaires qui le soutiennent tentent une nouvelle fois, mais en vain, de prendre le pouvoir par la force. Ce deuxième échec aurait pu être fatal à Hugo Chavez. Le destin va lui faire au contraire un joli cadeau sous la forme d’une amnistie décrétée en 1994 par Rafael Caldera, nouvellement élu à la présidence en remplacement de Perez.



De nouveau libre, après deux ans derrière les barreaux, Chavez fonde le Mouvement cinquième république, une version moins militaire du MBR-200, organe qui va lui permettre d’accéder au pouvoir en décembre 1998 avec une belle majorité : 56 % des voix ; du jamais vu au Venezuela. Entre-temps, il a su séduire par son charisme et son talent d’orateur un peuple vénézuélien qui vit alors pour moitié en dessous du seuil de pauvreté.

Désireux d’avoir les mains libres pour mener à bien sa politique, il organise un référendum en avril 1999 pour changer la Constitution, initiative qui tourne au plébiscite (92% de « oui ») et renforce ses pouvoirs. L’ère chaviste peut alors réellement commencer avec des réformes menées au pas de charge qui vont bouleverser la société vénézuélienne et bénéficier aux plus défavorisés, sa base électorale. Chavez va mettre petit à petit la main sur l’armée, l’administration et les grandes entreprises d ’Etat, nommant le plus souvent des militaires aux postes clefs

Mainmise médiatique

Il se distingue aussi par sa mainmise sur les médias, n’hésitant pas à faire fermer la chaîne RCTV qui ne lui était pas favorable en 2007 et à bâillonner une soixantaine de stations de radio pour les mêmes raisons en 2009. Dépeint comme un dictateur par certains, terme qu’il exècre, il s’en est toujours défendu, sur la foi de ses succès électoraux aux présidentielles de 2000, 2006 et 2012 mais aussi lors des multiples référendums organisés sous sa gouvernance, des consultations toutes destinées à asseoir son pouvoir, un moment mis à mal par une tentative de coup d’Etat avortée en avril 2002.


Grâce à la manne pétrolière – le Venezuela dispose des plus importantes réserves d’hydrocarbures de la planète – il a pu mener à bien sa « révolution bolivarienne » à travers d’importants programmes sociaux (école, santé, droits des femmes, accès à l’eau potable, protection de l’environnement) tout en hissant son pays au 4e rang des puissances économiques d’Amérique latine derrière le Brésil, le Mexique et l’Argentine. Nationalisations massives, redistribution des terres, microcrédits d’initiative publique ont également fait partie de son arsenal de mesures, avec des conséquences plus ou moins heureuses pour l’économie d’un pays où le chômage reste élevé (le pétrole représente 80% des exportations mais n’emploie que 2% de la population) et où un quart de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté.

Mais c’est bien entendu sa politique étrangère ouvertement anti-impérialiste qui a donné à la présidence d'Hugo Chavez toute sa résonnance internationale. Proche de Cuba et de Fidel Castro, il s’est toujours posé en champion de l’antiaméricanisme, prônant une diplomatie Sud-Sud destinée à se défaire de l'hémogénie occidentale, quitte à passer des alliances avec des régimes peu recommandables comme ceux de la Libye de Kadhafi, de la Syrie d'el-Assad et de l’Iran d'Ahmadinejad ou a développer des relations étroites avec la Chine et la Russie, éternels contradicteurs de la diplomatie de l'Ouest.

Une figure qui restera

Hugo Chavez a également œuvré pour favoriser un rapprochement des pays de l’ALBA (l’Alliance bolivarienne pour les Amériques) qui comprend entre autres Cuba, le Nicaragua, la Bolivie et l’Equateur dans le but de former un bloc anti-libéral en Amérique latine. Parallèlement, il a  rejoint le Mercosur en 2006 aux côtés du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay

Atteint d’un cancer de la prostate détecté en mai 2011, il avait subi deux opérations à Cuba où Raul Castro l’avait accueilli à bras ouvert en juin 2011 et en février 2012. Diminué, « El Commandante » s’était vu contraint de limiter ses apparitions en public ainsi que dans les médias et il avait dû déléguer ses pouvoirs ces derniers mois. Cela ne l’avait cependant pas empêché de briguer un troisième mandat en s’inscrivant, le11 juin, auprès du Conseil national électoral en vue de l’élection présidentielle du 7 octobre, remportée 55,25% des voix devant Henrique Capriles. Fataliste, il avait déclaré durant la campagne que même s’il venait à disparaître, le chavisme resterait bien vivant.


« Chavez n’est pas fini », avait-il ainsi affirmé l’hiver dernier. « Je dois dire en plus que quand ce corps ne sera plus, Chavez n’aura pas disparu car ce n’est plus moi qui suis Chavez, Chavez est dans les rues et il est devenu peuple et essence nationale ». « Plus que sentiment il est devenu corps national, âme nationale et arme nationale pour continuer à lutter pour le Venezuela », avait-il ajouté avec tout le lyrisme qui le caractérisait. 

Le Venezuela en deuil après la mort du président Hugo Chavez



Les funérailles du président vénzuélien auront lieu vendredi 8 mars, et le pays sera en deuil pendant sept jours. Le gouvernement vénézuélien confirme la tenue d'élection d'ici 30 jours. C’est Nicolas Maduro, le vice-président qui va assurer la présidence par intérim. 


C’est lui qui a annoncé la mort de Hugo Chavez, à la télévision, le 5 mars. Hugo Chavez était président du pays depuis 14 ans et venait juste d'être réélu. Agé de 58 ans, il luttait contre le cancer depuis juin 2010. Tout le monde le savait malade, mais l'annonce de sa mort a tout de même stupéfié les Vénézuéliens.

L’annonce fait l’effet d’un coup de massue sur tout le pays. La stupeur a été immédiate. Beaucoup d’habitants de Caracas ont pleuré lorsqu’ils ont appris la nouvelle. Spontanément, des milliers de sympathisants du Comandante convergent vers la Plaza Bolivar, dans le centre historique de la capitale. Entre drapeaux et chants révolutionnaires, des partisans se recueillent. D’autres scandent des slogans de soutien à Hugo Chavez. Ailleurs dans la ville, les réactions sont plus radicales.

La force nationale bolivarienne est le garant de la Constitution, de la loi et des directives (...) Cette force armée est en train d'être déployée pour garantir la souveraineté et la sécurité de tous les Vénézuéliens.

Dans le quartier du 23 janvier, un bastion historique du chavisme, des milices en armes ont fermé le quartier. Elles affirment redouter les attaques de l’opposition. Néanmoins, le chef de file de l'opposition vénézuélienne, Henrique Capriles Radonski, a appelé mardi les Vénézuéliens à « l'unité », et transmis sa « solidarité » à la famille du président sur son compte Twitter.

Au-delà de l’émotion gigantesque qui envahit tout le pays, une peur se diffuse dans la population. La mort de Chavez ouvre une période d’incertitude et d’instabilité.

L’armée se déploie actuellement au quatre coins du pays, pour maintenir le calme et éviter tout débordement. Elle va veiller au respect de la Constitution. L’état-major rappelle, lui, sa loyauté vis-à-vis du pouvoir en place.

La télévision publique, elle, passe en boucle un seul message : « Chavez vivra et la lutte continue ». Les autorités annoncent des funérailles nationales pour vendredi et sept jours de deuil dans le pays.(rfi)

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