La Journée d’action pour la santé des femmes a été créée au Costa Rica lors de la cinquième rencontre internationale sur la santé des femmes en 1987. Après huit ans de campagne pour combattre la mortalité et la morbidité maternelles, les femmes ont estimé qu’il fallait recentrer la campagne autour du phénomène de privatisation dans un contexte néolibéral.
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Opinions : animée par Béatrice Seupa Ng. |
C’est pour cette raison que la Journée internationale d’action de 1997 aura pour cible les problèmes d’accès à des services de santé de qualité, accès considéré comme un droit des femmes.
L’accès à des services de santé de qualité: Un droit pour les femmes
En effet, au cours des dernières années, le mouvement des femmes s’est vu confronter à un défi sans précédent posé par un courant néolibéral touchant le domaine politique, économique et social. Même s’il est vrai que ces politiques ont été mises en place de manière différente selon les pays, il est impossible de ne pas voir au delà de ces différences une similitude frappante dans les résultats. Ces politiques impliquent des restrictions budgétaires, la privatisation d’entreprises et de services publics, la centralisation des dépenses publiques et l’adoption de toute une série de stratégies de restructuration économique. Invariablement, le résultat a été l’appauvrissement d’une grande partie de la population et une érosion significative des liens dans la société civile.
Les femmes ont de tout temps été les plus pauvres parmi les pauvres. Avec l’introduction des réformes économiques néolibérales dans bon nombre de pays, la pauvreté chez les femmes s’est aggravée davantage. Par voie de conséquence, leurs possibilités de jouir d’une bonne santé et de préserver leur bien-être sont réduites. L’amélioration de la qualité de vie des femmes passe donc nécessairement par une transformation de la situation actuelle.
La santé n’est plus considérée comme un droit humain élémentaire. Au contraire, dans un contexte de marché privatisé, elle s’est transformée en un nouveau produit qui s’achète. Avec la privatisation, l’accès à des services de santé n’a fait que se réduire davantage pour la majorité des femmes. Ainsi les problèmes ont-ils été envisagés de manière spécifique, sans tenir compte, dans une dimension globale, de la dynamique sociale et politique dans laquelle les femmes vivent et travaillent au sein de la société. Cette Journée internationale d’action pour la santé des femmes est une occasion de lutter contre la privatisation et la commercialisation des services de santé et de militer pour que l’accès à des services de qualité soit un droit pour les femmes.
Dans le contexte actuel, les femmes font face à de nombreux obstacles et l’âge, la classe sociale, la race et l’origine ethnique sont des facteurs qui risquent de réduire davantage leur accès à des services de santé de qualité.
Des obstacles économiques
Des taux de chômage élevés chez les femmes, un accès réduit à l’éducation et des inégalités salariales entre hommes et femmes sont autant de facteurs qui limitent l’accès des femmes à des services de santé.
Des obstacles sexistes
Les problèmes de santé des femmes ne sont pas pris au sérieux et tendent à revêtir moins d’importance au sein de la société. Les femmes réussissent à obtenir moins d’informations au sujet de leur santé que les hommes. Ceci ne leur donne pas l’occasion de prendre des décisions en toute connaissance de cause quant à la nature des services de santé auxquels elles désireraient accéder.
Des obstacles culturels
Les services de santé négligent souvent de tenir compte des traditions et des coutumes locales associées à bon nombre d’aspects de la santé et du bien-être des femmes. La médicalisation de leurs problèmes de santé a altéré la nature des services auxquels elles ont accès, comme en témoigne la surmédicalisation de la ménopause.
Des obstacles politiques
Un manque de volonté politique au niveau national et local lorsqu’il s’agit d’organiser des services de santé tenant compte des différences entre les sexes et l’existence de législation inappropriée sur les grands problèmes de santé que connaissent les femmes, par exemple l’avortement, sont autant d’obstacles supplémentaires à l’accès des femmes à des services de santé correspondant à leurs besoins.
La santé de la femme et les maladies tropicales
Plus d’un quart de la population mondiale court le risque de contracter une infection parasitaire et la majorité de ces infections se trouvent confinées dans les régions déshéritées, tropicales et subtropicales, notamment l’Afrique sub-saharienne. Les femmes constituent près de 67% de la population totale en Afrique. En vue d’atteindre un meilleur niveau mondial en termes de santé, il convient de se concentrer sur les femmes africaines. Les faibles niveaux de revenus sont associés aux modèles de maladies débilitantes.
Trente-huit des soixante-trois pays dans le monde à faible revenu se situent en Afrique. Sur ces 500 millions de personnes, 40% vivent avec moins de 1 $US par jour, 68% n’ont pas d’hygiène appropriée et 52% n’ont pas accès à l’eau potable (Lancet, 1997). Dans un rapport récent de l’OMS, l’analyse des données relatives au dénuement (PNUD 1994) démontre le rôle de la pauvreté dans la co-détermination de l’état de santé des populations (WHO/TF/HE/TBN/97).
Ce rapport conclut que « les niveaux de pauvreté absolue totale et rurale » sont significativement plus élevés dans les dix pays les moins performants (les pays ayant l’écart négatif le plus élevé en termes d’espérance de vie) par rapport aux dix pays les plus performants (les pays ayant l’écart positif le plus élevé en termes d’espérance de vie). Il est intéressant de noter que neuf de ces dix pays les moins performants se situent en Afrique. De toutes les régions géographiques, l’Afrique présente les taux les plus élevés de morbidité et de mortalité dus aux maladies tropicales (Sai et Nassim 1991).
Jusque récemment, la théorie appuyait le fait que les hommes assumant la plus grande responsabilité du travail agricole, leurs taux d’exposition et d’infection étaient nettement supérieurs à ceux des femmes au sein de la famille.
Comme le fait judicieusement remarquer Heggenhougen (1994), « une femme qui vit en Afrique sub-saharienne a extrêmement moins de chance de survie qu’une femme vivant dans un pays développé par rapport à un homme de l’Afrique sub-saharienne comparé à un homme du monde développé ».
Pour de nombreuses maladies tropicales (paludisme, onchocercose, trypanosomiase), l’exposition aux piqûres de vecteurs infectieux est étroitement liée aux modèles de travail de l’homme et de la femme, au comportement individuel et communautaire (Robert, 1963) et est vitale à la transmission.
Jusque récemment, la théorie appuyait le fait que les hommes assumant la plus grande responsabilité du travail agricole, leurs taux d’exposition et d’infection étaient nettement supérieurs à ceux des femmes au sein de la famille.
Les changements historiques des rôles de l’homme et de la femme dans les secteurs économique et agricole ont laissé à la femme la plus grande responsabilité en termes d’agriculture de subsistance (Okonjo, 1988) et de bien-être de la famille. Les adolescentes et les femmes adultes en Afrique représentent actuellement la contribution la plus élevée en termes de production agricole (FAO, 1984). Du fait de ces modifications des rôles, les femmes sont plus exposées aux piqûres infectieuses des mouches qui transmettent les maladies tropicales, intensifiant leur rôle dans la transmission des maladies.
L’automédication est une approche courante des individus lorsqu’ils perçoivent les signes et les symptômes du paludisme.
Au cours des vingt dernières années, il a été estimé que 40% des fièvres étaient dues au paludisme (Brinkman et Brinkman, 1991). Par conséquent, les stratégies de contrôle du paludisme ont dévié et leur objectif principal maintenant consiste à réduire la mortalité et la morbidité par un traitement immédiat et précoce de la fièvre.
Il est maintenant de plus en plus établi que la réussite d’une stratégie de contrôle dépend d’un certain nombre de facteurs, notamment le comportement des patients, tout particulièrement celui des mères et des personnes chargées de jeunes enfants, la nécessité de comprendre le traitement recherché (Oaks et al, 1991), le choix du traitement. Les études ont démontré que le choix et la période de traitement de la femme dépendaient des facteurs suivants :
a) le coût ;
b) l’accessibilité des centres de santé ;
c) l’attitude des prestataires, les croyances culturelles relatives à la cause du paludisme et son traitement.
L’automédication est une approche courante des individus lorsqu’ils perçoivent les signes et les symptômes du paludisme. Du fait de l’incidence élevée de paludisme en Afrique, de l’absence ou de la presque inexistence de laboratoires aux niveaux périphériques des diagnostics cliniques (biomédicaux), le paludisme constitue encore un véritable problème. Il est vivement souhaitable de réaliser des études en vue de mieux comprendre les critères utilisés par les femmes et les travailleurs sanitaires dans les villages pour prédire le paludisme. Ces études permettront aux experts de mieux connaître les modes de transmission du paludisme.
Investir dans la santé des mères africaines
Un grand nombre d’entre elles sont trop pauvres pour survivre à un accouchement.La maternité Pumwani de Nairobi au Kenya, est le plus important centre de santé maternelle de l’Est et du Centre de l’Afrique. Située près de Mathare et de Korogocho, deux des plus grands bidonvilles de Nairobi, cette maternité aide environ 27 000 femmes à accoucher chaque année. La plupart sont pauvres et ont entre 14 et 18 ans.Cette maternité publique a du mal à offrir les services les plus élémentaires car elle n’a ni les ressources, ni le matériel ni le personnel nécessaires.(..)
Soins de santé à bicyclette
Malgré la pénurie de ressources, certains pays ont réussi à trouver des moyens d’élargir l’accès aux services de santé maternelle. Au Sénégal, le Ministère de la santé et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) financent conjointement le travail d’agents de santé locaux qui se rendent à vélo dans les villages pour y rendre visite aux femmes. Ils sont formés pour surveiller l’état de santé des femmes enceintes, envoient les femmes dans les dispensaires locaux pour les examens prénataux et veillent à ce qu’elles aillent dans un établissement où elles accoucheront avec l’aide d’un personnel formé.(..)
Des morts évitables
Dans toute l’Afrique, prévenir des décès en couches est un énorme défi. Alors qu’une Suédoise enceinte court seulement 1 chance sur 30 000 de mourir en couches, le risque en Sierra Leone atteint 1 sur 7. En 2002, l’OMS a averti que si rien n’était fait pour améliorer l’accès à la santé maternelle en Afrique, 2,5 millions de femmes mourraient d’ici la fin de la décennie et 49 millions survivraient handicapées.
Austérité et “partage des coûts”
Ce mauvais état du secteur de la santé en Afrique est en partie l’héritage de politiques appliquées pendant les années 80 et 90 à la demande du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Pour freiner la montée de la dette du continent et combattre la corruption et l’usage abusif des ressources, ces institutions financières internationales avaient prescrit un régime de réduction des dépenses nationales intérieures des gouvernements africains afin de rééquilibrer les budgets et d’assurer la poursuite du remboursement de la dette extérieure.
Des effets inégalitaires
Mais étant donné qu’il n’y a pas assez d’argent pour offrir des services de santé gratuits, de nombreux établissements de santé africains restent prisonniers de pratiques de “partage des coûts”. Un tel modèle de “péage”, note le Dr. Bergevin, a eu des effets catastrophiques pour les plus pauvres qui ne peuvent pas payer les sommes exigées et dont l’accès aux soins de santé s’est réduit.
La situation à la maternité Pumwani est typique. Jusqu’à mai 2007, les patientes désireuses de recevoir des soins de maternité devaient faire un dépôt de 1 200 shillings kenyans (17 dollars US). Les femmes qui n’avaient pas l’argent se voyaient refuser l’admission. Un accouchement normal coûte 3 000 shillings kenyans, une césarienne 6 000, s’y ajoutent 400 shillings supplémentaires pour la première journée d’usage d’un lit. Un lit est facturé au taux quotidien de 400 shillings pour le reste du séjour de la patiente à l’hôpital. Ces tarifs sont bas comparés à ceux qui sont pratiqués par les établissements privés, mais élevés pour les 60 % de Kenyans qui vivent avec moins de 140 shillings (2 dollars) par jour.
“Inacceptable”
Les dépenses de santé restent limitées dans toute l’Afrique. “Actuellement, les pays d’Afrique subsaharienne dépensent moins de 2 dollars par personne pour la santé maternelle, note le Dr. Bergevin. La plupart des experts s’accordent à dire qu’il faut dépenser au moins 8 dollars. Pour obtenir un système de santé complètement fonctionnel, il faut dépenser de 40 à 50 dollars par personne, sans tenir compte du coût des médicaments antirétroviraux."
Des obstacles liés aux mythes sur la sexualité des femmes : Les femmes ne sont pas libres de prendre des décisions quant à leur corps et leurs préférences sexuelles. Elles n’ont pas l’occasion d’exprimer leur sexualité, sans redouter d’être victimes de violence ou de discrimination. Les lesbiennes sont en général exclues du système de santé, étant donné qu’elles ne sont pas considérées comme des êtres reproducteurs ou actifs sexuellement. Les droits doivent s’accompagner du pouvoir d’exercer ces droits. Les droits économiques et sociaux sont des conditions préalables à l’exercice des droits en matière de santé et l’exercice de ces droits permet d’arriver à une équité sociale. Il est temps de critiquer les politiques néolibérales, en soulignant leur impact sur l’accès des femmes à des services de santé de qualité et en oeuvrant pour garantir le droit des femmes à un système de santé de qualité qui tient compte des différences entre les sexes.
28 Mai 2013 journée internationale d'action pour la santé des femmes.
©Wao : Béatrice Seupa Ng. @un.org/womenwatch/?
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Afrique renouveau,
OMS,journée internationale,
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